Témoignage : La dérive des Foyers de Vie
De Foyers Occupationnels à une époque, ils deviennent des Ehpad pour jeunes et moins jeunes adultes en situation de handicap mental. C'est, en tout cas, notre perception au regard de nos dernières expériences.
Notre fille, âgée de 37 ans, est en Lieu de Vie depuis presque 20 ans. Nous nous sommes révoltés au bout de 15 ans contre son précédent Foyer qui, avec l'arrivée d'un nouveau Chef de service, avait fait évoluer les emplois du temps en les rendant essentiellement dévolus au temps libre.
Les résidents erraient de plus en plus dans les couloirs désœuvrés et livrés à eux-mêmes ou restaient dans leur chambre avec la télé comme compagnie. Les relations devenaient entre eux plus tendues et sectaires ou se transformaient en libertinage pour quelques-uns.
Il était habituel de voir garçons et filles s'embrassant, assis sur les genoux des uns, des autres se câlinant. Ils pouvaient se retrouver dans les chambres au lit en journée (expérience vécue par une autre famille parce que leur fille avait une chambre communicante).
Nous avons changé notre fille de Foyer à sa demande en novembre 2019. Ce nouveau Foyer était en phase de déménagement. Elle y avait effectué 2 stages auparavant. Ce que nous ne savions pas et ne pouvions pas deviner, c'est que cela allait être aussi l'occasion d'une nouvelle organisation et là aussi, les programmes des activités ont été revus drastiquement à la baisse.
La gouvernance socio-éducative du Foyer s'est largement étoffée.
On ne compte pas moins de quatre cadres pour 37 résidents (1 Chef de Pôle à 50 %, 1 Chef de service et 2 Coordinatrices) Ces personnes de formation Éducateur Spécialisé sont dans des bureaux et connaissent les résidents au travers d'un bonjour quotidien et de notes transmises par les encadrants en charge des résidents.
Ils sont, bien sûr, absents les week-ends, les soirs après 17 heures et très peu présents durant toutes les périodes de vacances scolaires. Pourtant, ce sont eux qui décident et imposent leur point de vue.
À cela s'ajoute un cheptel de cadres administratifs que nous ne connaissons qu'en signature au bas des documents.
Actuellement, notre fille participe de façon hebdomadaire et à peu près régulière (hors vacances scolaires) à 45 minutes de théâtre, à 30 minutes de chant et fait quelques dessins ou travaux manuels en matinée.
Les activités physiques sont largement insuffisantes (une demi-journée par semaine au mieux) et très, très loin des préconisations de l'OMS pour la population à savoir 30 à 45 minutes d'activités physiques par jour. On leur prépare un vieillissement prématuré et difficile.
Pourtant, notre fille aime la piscine et sait nager. Elle y va à peine une fois par mois.
Elle faisait de l'équitation depuis l'enfance. En septembre dernier, on lui a demandé de choisir entre équitation ou chant. Elle ne pouvait pas faire les 2. Les marches sont rares et pourtant quoi de plus facile lorsqu'on est à la campagne et proche d'une forêt domaniale. Ils n'y vont jamais.
Le reste du temps, c'est le vide et l'ennui. Elle a pris 8 kg en quelques mois.
Mes exemples ne sont pas exhaustifs bien sûr !
L'inclusion n'est pas non plus une préoccupation. Les grilles sont fermées en permanence. Les cadres ont peur que les résidents soient mal perçus par la population de ce village d'à peine 1 000 habitants et ne les sortent qu'avec parcimonie. On se croirait encore au XIXe siècle
Avec toutes ces constatations, notre consternation, notre colère et notre écœurement sont immenses.
Sommes-nous les seuls à faire cet amer constat ou est-ce plus généralisé ? Est-ce que par 2 fois, nous sommes tombés sur de « mauvais foyers" ? Est-on en droit de s'interroger sur l'utilisation des prix de journée assez conséquents ( pour ce foyer, c'est 220 €/jour y compris lorsque le résident est en week-end soit 6 600 €/mois par résident) ?
Nous avons alerté la MDPH de notre département en leur donnant un dossier détaillé étayant nos déclarations. Mais ce Foyer est un Établissement Public Départemental Autonome. Qu'en feront-ils ?
Il faut chercher une place ailleurs pour notre fille. Pour elle, il y aura peut-être quelques solutions difficiles à trouver et nous sommes là pour l'instant chaque week-end pour compenser les manques de ce Foyer et veiller sur elle. Mais, nous pensons aussi à tous ceux qui sont isolés sans proximité familiale et soumis à des Chefs éducateurs peu bienveillants ayant d'avantage le souci de préserver leur tranquillité et leur statut professionnel avantageux que le mieux être des résidents du Foyer placés sous leur protection.
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